Le monde du numérique change quand Atos met en place une holding fiscale dénommée Dutchco basée aux Pays-Bas. La création suscite l’inattendu. Tandis que l’État français est en pleine négociation pour protéger ses activités stratégiques, le groupe opte pour un retour sur-mesure dans lequel le montage juridique traditionnel et l’ingénierie financière pourraient permettre de faire des économies d’impôts dignes de ce nom. Un coup qui tombe méchamment, surtout après le coup de pouce de Bercy reçu il y a quelques mois.
Pourquoi Atos choisit les Pays-Bas pour sa holding fiscale ?
En effet, de source interne au Comité social et économique, Atos envisage de transférer une partie de ses actifs français dans une double holding nommée Dutchco basée aux Pays-Bas. Il ne s’agit pas de délocaliser les activités, mais d’éviter la taxation des dividendes et celle des plus-values de cessions d’actions. Un fiscaliste international avait ainsi indiqué que ce montage permettrait à la multinationale de réduire considérablement ses charges fiscales. Une exigence des prêteurs devenus principaux actionnaires du groupe. Il s’agit d’une note particulièrement épineuse, alors qu’Atos est en proie à des difficultés financières privilégiant la restructuration après une conversion de 3,1 milliards d’euros de dettes en capital soutenue par 1,7 milliard d’euros de nouveaux emprunts.
Une décision qui questionne l’État et l’opinion publique
Toutefois, la création de la holding fiscale tombe à un moment où l’État français semble vouloir protéger certaines activités clefs d’Atos. En particulier, Bercy a déjà versé un prêt de 50 millions d’euros en avril dernier, en signe de volonté de sauver l’entreprise. Pour beaucoup, cela signifiait que la France allait essayer de faire en sorte qu’Atos reste un partenaire clé pour sa souveraineté numérique. Cependant, cette révélation risque de rendre les pourparlers de plus en plus compliqués.
Même si le ministère des Finances reste discret, son opinion sur l’affaire est assez claire. En effet, l’État a déjà offert près de 700 millions d’euros pour acheter toutes les activités sensibles d’Atos tout en continuant de négocier pour acheter la totalité de l’entreprise. Cette offre a ensuite été rejetée par Atos, mettant les deux parties dans une impasse qui n’a jamais été résolue. En plus, la création de la holding fiscale aux Pays-Bas arrive à un moment très difficile pour l’entreprise. Atos cherche à supprimer près de 400 emplois en France au cours des deux prochaines années, ce qui a déjà suscité beaucoup de réactions politiques.
Une perte de contrats qui aggrave la situation
Alors qu’Atos tente de stabiliser sa position financière, le coup de grâce, en provenance de l’extérieur, lui est porté par ses concurrents internationaux. Plus récemment, le ministère des Armées a confié le contrat d’un supercalculateur majeur à un consortium Orange et Hewlett-Packard, apparemment sans considération d’Atos. Le contrat en question, d’une valeur de plusieurs centaines de millions d’euros, aurait s’accroître la position de l’entreprise sur le marché du calcul haute performance, un élément clé pour son avenir.
Une image en jeu
Bien que la décision initiale de créer une holding fiscale aux Pays-Bas soit pour la plupart justifiable d’un point de vue financier, il y a encore beaucoup à critiquer sur le plan de l’éthique et de l’entreprise concernant son investissement dans le bien-être de sa nation. Après tout, l’argent dont Atos a tant profité n’aurait pas été possible sans l’aide du gouvernement, et de nombreux Français considèrent ces actions comme une déclaration de guerre évidente des sociétés à l’égard des valeurs de la souveraineté numérique.
Pour Atos, la question est de comment redorer son blason tout en continuant la restructuration. Ce sera un long et ardu voyage, étant donné l’atmosphère particulièrement tendue dans laquelle elle doit négocier avec l’État, l’opinion publique française, et ses nouveaux actionnaires. Peu importe la tranche de marché dans laquelle tombent ces actifs, il semble évident qu’Atos essaye de diminuer ses coûts et augmenter la rentabilité, mais en fin de compte, à quel prix ? Cette décision suscitera très probablement beaucoup de controverses dans l’avenir.