La liquidation judiciaire de la marque Clergerie marque la fin d’une époque. Cette nouvelle à choqué plus d’un.
Ça fait toujours quelque chose de voir tomber une marque qu’on croyait presque éternelle. Une griffe française, qui avait su marier audace et élégance, vient de tirer sa révérence. L’annonce raconte, en creux, l’histoire d’un secteur en plein naufrage.
Une liquidation judiciaire de Clergerie : fin du savoir-faire artisanal ?
Clergerie, ce nom qui évoquait encore il y a peu un certain chic à la française, n’est plus. L’info est tombée début avril, comme un couperet : le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a prononcé la liquidation judiciaire de Clergerie, après des années de lutte contre vents contraires. Cette maison fondée en 1981 par Robert Clergerie s’était hissée parmi les fleurons du soulier haut de gamme, avec une touche d’avant-garde, une fabrication soignée, et ce petit supplément d’âme qu’on croyait réserver aux vieilles maisons de couture. Tout ça s’effondre aujourd’hui, dans un silence presque gêné.
Il faut dire que le chemin devenait de plus en plus glissant. L’épisode du COVID a été un premier choc brutal. Les boutiques fermées, les clients confinés, les achats dématérialisés. Clergerie, qui reposait encore en partie sur l’expérience en magasin, s’est retrouvée sur la corde raide. Puis l’inflation a déboulé. La hausse des prix, la chute du pouvoir d’achat, la concurrence féroce d’AliExpress, Shein ou Amazon… autant de coups qui ont miné les fondations. C’est un véritable effondrement de la structure traditionnelle du commerce textile et chaussure. Résultat : Clergerie n’a pas tenu.
Et pourtant, la marque avait tenté de se réinventer. Après avoir conquis des marchés internationaux, chaussée par des icônes comme Madonna ou Lauren Bacall, elle avait encore en 2023 l’espoir d’une issue favorable. Elle était passée par un redressement judiciaire, elle avait même trouvé un repreneur en Titan Footwear, un groupe californien. Mais rien n’y a fait. L’atelier de Romans, berceau du savoir-faire, a fermé. Les salariés sont restés, pour beaucoup, sur le carreau. L’histoire s’arrête là, mais elle laisse un goût amer.
Une marque de plus dans la liste des victimes du grand bouleversement
Le plus glaçant dans cette liquidation judiciaire de Clergerie, c’est qu’elle n’étonne plus personne. Ce n’est même plus un fait isolé. Depuis quelques années, les enseignes tombent les unes après les autres, comme dans un jeu de dominos qu’on n’arrive plus à arrêter. Kaporal, Camaïeu, San Marina… la liste s’allonge, implacablement. On assiste à une reconfiguration radicale du paysage commercial français. Certaines marques parviennent à se réinventer en ligne, d’autres s’effacent dans l’indifférence générale.
Ce n’est pas qu’un problème économique. C’est aussi une question de rapport au produit. Acheter des chaussures, aujourd’hui, ce n’est plus vivre une expérience, c’est cliquer. L’identité d’une marque comme Clergerie, construite autour d’un atelier, de matériaux nobles, de finitions impeccables, n’a plus la même valeur face à des plateformes où le prix bat tout le reste. Le haut de gamme devient un luxe de niche, et même les clients fidèles finissent par se détourner, par contrainte ou par lassitude.
Ce qui rend la liquidation judiciaire de Clergerie encore plus triste, c’est qu’on y lit aussi la disparition progressive d’un pan de la culture française. Ces entreprises-là ne vendaient pas juste des chaussures. Elles portaient un héritage, un style, une manière de faire. Une élégance discrète, mais solide. Aujourd’hui, tout ça semble dépassé, presque archaïque. On consomme et jette vite, tout en oubliant encore plus vite.
La liquidation judiciaire de Clergerie ne laissera pas indifférents ceux qui ont un jour glissé leurs pieds dans une de ses créations. Et pour eux, c’est un vrai deuil. Pas seulement d’une marque, mais d’un art de vivre.