Alors qu’elle trône dans nos cuisines en gage de pureté, cette eau en bouteille prisée des Français pourrait bien contenir… de l’arsenic.
Vous pensiez que glisser une bouteille d’eau minérale dans votre caddie était un geste anodin, presque automatique ? Et pourtant, derrière cette habitude, toute simple, se cache une réalité bien plus trouble. Selon une enquête menée par Mediapart, certaines grandes marques chouchous des Français seraient concernées par une eau en bouteille contaminée, jusque-là vendue sans alerte claire. Et pas juste à cause des microplastiques dont on parle déjà depuis des mois. Non, là, on parle d’une contamination plus sournoise, plus grave, passée sous silence par ceux qui auraient dû alerter.
Vittel, Nestlé… et des documents confidentiels
L’enquête publiée fin octobre par Mediapart jette un sacré pavé dans la mare. Dans les lignes d’un rapport classé confidentiel, mais que le média a pu consulter, on découvre que Nestlé aurait été parfaitement au courant de plusieurs défaillances majeures concernant la qualité de son eau. Le document, rédigé en 2022, pointe une vingtaine d’infractions aux normes. Allant de pollutions environnementales à des traitements illégaux appliqués à des eaux censées être « naturelles ». Parmi les pratiques signalées : des faux murs, des structures masquées, et des dispositifs interdits de traitement de l’eau planqués derrière des installations apparemment conformes.
Et ce n’est pas tout. Le plus inquiétant, c’est cette histoire d’arsenic. L’un des rapports évoque des concentrations dépassant la limite autorisée de 10 µg/L, atteignant parfois les 13 µg/L dans les échantillons finaux. Des chiffres qui ne laissent pas la place au doute : à ces niveaux, le risque sanitaire n’est plus théorique. Il est bien réel. Le poison, invisible, se glisse dans l’organisme au fil des gorgées. Et même si Nestlé a installé depuis 2012 des filtres au dioxyde de manganèse pour tenter de limiter cette présence naturelle d’arsenic, tous les lots d’eau ne passent pas par ces systèmes. Résultat : certaines bouteilles échappent à tout traitement, tandis que d’autres sont filtrées. Le mélange de ces deux types d’eau, l’une traitée, l’autre brute, donne naissance à une eau en bouteille contaminée. Vendue sans distinction ni mise en garde.
Eau en bouteille contaminée : un silence bien orchestré ?
Ce qui dérange encore plus, c’est la manière dont tout cela a été géré. Loin d’un mea culpa ou d’une communication transparente, Nestlé s’est réfugiée derrière des arguments de forme. Mauvaise traduction du rapport, simples hypothèses, pas de preuve concrète, et bien d’autres. Pourtant, des ingénieurs tirent la sonnette d’alarme. Le risque n’est pas marginal, il est identifié, mesuré, documenté. Et malgré tout, l’entreprise aurait gardé sous le coude des informations cruciales sur cette eau en bouteille contaminée. Pire, le groupe interdit la diffusion ou la copie des documents internes.
Aujourd’hui, plusieurs instances françaises, dont la DGCCRF et l’ARS, ont lancé des investigations. Une enquête interne a aussi été initiée chez Nestlé, mais elle reste en vase clos. Rien ne filtre. Ce qui s’en dégage, en revanche, c’est une impression dérangeante de gestion en coulisses, de réponses calibrées pour minimiser l’affaire. Comme si tout était fait pour éviter l’emballement médiatique et protéger l’image de marque comme Vittel, que les consommateurs associent encore à la pureté, à la nature, à la confiance.
Le hic, c’est qu’avec toutes ces révélations, cette confiance vacille. Et le doute s’installe durablement. Car après avoir découvert qu’on pouvait trouver une eau en bouteille contaminée dans les rayons de son supermarché, difficile de ne pas regarder sa bouteille différemment.